C’est par une douce fin de journée d’automne qu’une cinquantaine de personnes,
membres de l’ARJNCA et amis, ont partagé dans le calme du temple du Saint
Esprit de Nice, un grand moment de plaisir musical en écoutant Madame Mihoko
Cazabon-Tajima jouer un beau programme de musique française et japonaise.
Il se trouve que nous fêtons en 2018 le centenaire de la mort de Debussy et il convenait de lui rendre hommage en raison de la place essentielle qu’il occupe dans la musique française.
Le concert a débuté par Les deux arabesques. De facture impressionniste, ces deux œuvres expriment le goût de Debussy pour les formes courbes et les lignes sinueuses si présentes dans la nature. Il en va de même pour les Images 1ère Série. Dans l’une d’elles, Debussy s’attache ainsi à traduire la composante fugitive, évanescente des mouvements imprévisibles de l’eau qui passe du calme à l’agitation avant de s’apaiser à nouveau. Children’s Corner est venu conclure la première partie du concert. Cette œuvre fut l’occasion pour Debussy de manifester son amour pour sa fille, alors âgée de 3 ans et surnommée Chouchou. Il écrivit ainsi sur la partition : « À ma très chère Chouchou, avec les tendres excuses de son père pour ce qui va suivre ».
La seconde partie du concert était consacrée à deux œuvres de compositeurs japonais, Kozaburo HIRAI et Koichiro MITSUNAGA. Le premier vécut au XXème siècle et transcrivit pour piano une chanson traditionnelle de l’époque d’Edo, Sakura, sakura. Nous voici au coeur de la civilisation japonaise qui voit dans les fleurs de cerisiers le symbole même de la beauté qu’il convient de saisir dans l’instant en raison de son caractère éphémère. Chaque printemps les voit s’épanouir et, par la lumière symbolique qu’elles diffusent, elles éclairent aussi les périodes de profond désespoir, comme le rapporte l’écrivain Seichi MORIMURA à propos du tremblement de terre de 2011 au Japon.
La seconde œuvre s’inscrit dans un contexte complètement différent. À l’origine, il s’agissait d’une œuvre pour guitare que MITSUNAGA a conçue en pensant à son maître Mitsuaki KANNO. Comme ce dernier réunissait à ses yeux les qualités d’un shôgun, il lui donna le nom de Samurai. Le compositeur a voulu ainsi saluer la figure du guerrier qui, par ses qualités de courage, constitue une composante essentielle de l’âme japonaise. Par la suite, MITSUNAGA adapta cette œuvre pour piano à l’intention d’un pianiste qui, à la suite d’un accident cérébral, n’avait conservé que l’usage de la main gauche. Celui-ci, par sa ténacité et sa volonté inflexible, manifestait le même esprit de samurai dans l’exécution de cette œuvre qui exigeait des qualités de virtuose. De fait, cette œuvre a surpris plus d’un auditeur en raison de l’impétuosité de la mélodie principale, jouée avec brio, qui a succédé au calme de l’introduction.
Nous avons pu ensuite entendre plusieurs des plus belles pages de Liszt et de Chopin et, après ce détour par la musique romantique, notre pianiste a joué, sous forme de bis, Le clair de lune de Debussy et Les chemins de l’amour de Francis Poulenc.
Nous avons ainsi retrouvé les deux lignes directrices qui, discrètement, nous ont guidés tout au long du concert : l’amour de la nature, qu’il prenne la forme des reflets dans l’eau chez Debussy ou des cerisiers en fleur au Japon, et l’amour que nous éprouvons pour nos semblables, qu’il s’agisse de la tendresse de Debussy pour son enfant, de la folle passion d’un jeune prince pour une cantatrice roumaine chez Poulenc, ou de la douleur de Chopin songeant à Marie Wodzinka à qui est dédiée la Valse de l’adieu.
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